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Rapprocher l’ONU et les Maliens

Peace & Security,Sahel Watch25 May 2016Karlijn Muiderman

Deux ans et demi après le début de la mission des Nations Unies (MINUSMA) pour le maintien de la paix, Mahamady Togola et Naffet Keita ont partagé certaines conclusions sur les perceptions de la MINUSMA par la population. En tant que coordinateur national et membre du conseil d’administration du Réseau ouest-africain pour la paix (WANEP) au Mali, ils plaident pour plus de communication entre l’ONU et les Maliens sur leur mission, et également aussi sur leurs résultats.

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Au cours des deux dernières années, WANEP a tenu des consultations communautaires avec un grand ensemble de représentants de la société civile malienne, qui ont fait part des différentes formes d’insécurités rencontrées par la population malienne dans leur vie quotidienne (veuillez cliquer sur l’icône ci-dessous).

La guerre civile 2012, le coup d’Etat militaire et la prise de contrôle des extrémistes ont rendu la vie difficile pour les Maliens, en particulier dans le nord. Ces consultations exhaustives effectuées dans les huit régions et le district de Bamako visent à compléter l’intervention militaire. Ceci est particulièrement important pour renforcer la société civile et faire passer leur message dans le processus de paix internationale, mais également pour avoir une meilleure emprise sur les violences et les interactions entre l’extrémisme et les problèmes de la société. La récente attaque sur l’Hôtel Radisson Blu à Bamako – qui a eu lieu peu de temps après cette entrevue – montre comment à quel point l’extrémisme continue à avoir un impact au Mali, à la fois dans le nord et le sud du pays.

A propos de WANEP Mali

WANEP est une organisation de consolidation de la paix régionale en Afrique de l’Ouest avec 15 bureaux nationaux dont WANEP Mali. En Avril 2015, elle a retenu les leçons de la première série de consultations sur la sécurité humaine et ils sont en train de rédiger le bilan de la deuxième série de consultations. Les consultations ont lieu dans tout le Mali avec des organisations de la société civile, y compris des groupes de femmes, des groupes de jeunes, des chefs religieux issus de toutes les religions, dans le secteur de la sécurité, des gouvernements locaux ainsi que des groupes de droits humains. Les consultations font parti d’un projet appelé «la société civile pour une stratégie de la sécurité humaine», dans lequel WANEP travaille en collaboration avec le Partenariat mondial pour la prévention des conflits armés (GPPAC) et le Collectif de la sécurité humaine (Human Security Collective). Vous pouvez en savoir plus sur leurs consultations en cliquant sur ce lien.

Pendant l’entrevue, Togola et Keita ont partagé quelques indications sur la perception malienne de MINUSMA tirés de la première et la deuxième série de consultations. Ils ont remarqué que certains changements politiques avaient influencé les relations entre l’État et la société, surtout après la signature de l’accord de paix en Juin de cette année, peu de temps après celui-ci le mandat de MINUSMA a été reformulé pour se concentrer davantage sur la protection des civils. Cela a eu pour conséquence un changement dans l’état d’esprit de la société civile avec une exigence des Maliens plus grande vis à vis de leur gouvernement. Les priorités ont changé – considérant que la sécurité était la priorité numéro un dans la première phase de consultations, la deuxième phase a été marquée par l’accentuation sur l’environnement, le développement agricole et les communautés pacifiques. Les consultations soulignent que la sécurité des Maliens doit être abordée à plusieurs niveaux en ce qui concerne la sécurité physique, la sécurité alimentaire et le développement de la gouvernance et des biens publics. Ainsi, le jeu politique a changé et le vivre ensemble en paix dans une société civile forte est devenu un enjeu particulièrement important.

Un écart perçu entre la MINUSMA et la population

Dans cette optique, il est grand temps de donner la priorité aux besoins des civils. De ces consultations, quatre points se sont démarqués.

Le premier point porte sur le mandat. La confusion autour du mandat de la MINUMSA continue à avoir un impact négatif sur son image. Les groupes séparatistes ne voient pas la MINUSMA en tant que médiateur entre les différents groupes, mais comme un allié du gouvernement avec une attitude partiale. D’autre part, les responsables gouvernementaux accusent souvent la MINUSMA de trop coopérer avec les groupes armés. Une partie de la population aimerait que la MINUSMA parte, d’autres voudraient qu’elle reste, mais avec une approche révisée. Cette confusion n’est pas nouvelle, et l’ONU a tenté d’y remédier lors du renouvellement du mandat de la MINUSMA en Juin 2015. Ces perceptions prouvent qu’une image négative peut être persistante et doit être traitée rapidement pour éviter des problèmes dans le futur.

Le deuxième traite de la protection. Pour la majorité de la population, l’ONU manque de tripes, parce que le mandat ne leur permet que de défendre, pas d’attaquer. En particulier dans le sud, où les Maliens ne sont pas confrontés aux travaux de la MINUSMA aussi régulièrement que dans le nord, d’où le questionnement de la population. La récente attaque de l’Hôtel Radisson Blu à Bamako a démontré que l’insécurité continue d’exister, également dans le sud du Mali.

Le troisième point est de nature socio-politique. Les critiques de la population sur les actions de la Minusma reposent sur les signes extérieurs de richesse de la communauté internationale, qui roule en 4×4 avec l’air conditionné. Voyant la collaboration des soldats des Nations Unies avec les politiciens locaux, se nourrit l’idée que l’argent n’est pas bien dépensé, que la corruption est persistante au Mali. Dans le même temps, de nombreux Maliens sont pauvres et ont un accès limité aux ressources, à l’emploi et à la politique. Beaucoup de maliens attendent de la MINUSMA qu’elle les aide en matière d’insécurité, et beaucoup sont déçus qu’elle ne réponde pas à leurs attentes.

Une dernière conclusion importante est sur la distance psychologique. La communication est perçue comme étant à sens unique. La MINUSMA va dans les communautés pour obtenir des informations, «l’intelligence», mais la population ne peut pas accéder aux informations de la MINUSMA. Plus il y a d’écart entre l’ONU et le peuple, moins l’ONU donne l’impression d’être au service de la population.

Comment faire les connexions

Togola et Keita font des recommandations claires pour la MINUSMA afin d’améliorer sa communication avec les Maliens sur plusieurs sujets: la durée de la mission, les responsabilités envers son mandat, la logique derrière les interventions et avec qui ils travaillent. La culture Malienne du dialogue a été reconnue comme une bonne stratégie pour la connexion de la population avec le travail de la communauté internationale. Keita a également souligné le rôle de la jeunesse. Le fait que l’âge moyen au Mali est en dessous de 20 ans est souvent oublié dans les stratégies de la communauté internationale.

Mais la connection va plus loin que les télécommunications. Les connections physiques doivent être tissées entre les différentes communautés et ils soulignent que les villes doivent être reliées par des routes afin de permettre l’accès aux marchés et réduire le fossé physique entre les personnes. Les zones reculées du nord en particulier bénéficieraient grandement d’un réseau routier plus direct avec le reste du Mali. Cela créera de grandes opportunités pour les populations.